
Paris, le lundi 24 octobre 2017. Le Festival du film coréen ouvre ses portes. Et avec l’ouverture du film du réalisateur Jang Hoon Un chauffeur de taxi pour la première fois en France, le Festival s’offre un succès dans son pays natal (pas loin de 12 millions d’entrées selon les organisateurs du festival !). Surprise : c’est peut-être le meilleur film de l’année. Attention, un véritable chef-d’œuvre.
Dur de trouver un concurrent sérieux sorti cette année qui puisse tenir tête à la puissance d’A Taxi Driver. Peut-être La La Land, et encore, ce serait forcer le trait. Ce film coréen bouscule, amuse, bouleverse et subjugue. Rarement, le cinéma offre une œuvre aussi aboutie, aussi complète. A Taxi Driver tutoie la perfection. Après avoir enflammé l’été 2016 avec Dernier Train pour Busan, le cinéma sud-coréen enfonce le clou : il vient de livrer ce qui ressemble fort au sommet de 2017.
Mais avant d’aller plus loin, il faut rappeler ce qui se joue ici. Un chauffeur de taxi, c’est d’abord une plongée dans une page d’histoire coréenne méconnue en Europe. Le film suit un conducteur un peu roublard, prêt à tout pour payer son loyer, qui accepte de conduire un journaliste allemand jusque dans la ville de Gwangju. Cette destination prend vite des allures de piège : Gwangju est alors en proie à un soulèvement populaire, réprimé dans le sang. Le récit se déroule juste après l’assassinat du président Park Chung-hee, une période où le pouvoir militaire resserre l’étau sur la société. Les manifestations se multiplient, et Gwangju devient le théâtre du soulèvement le plus marquant.
Au départ, le film choisit la légèreté. Les premières scènes s’enchaînent sur un ton comique, portées par le talent irrésistible de Song Kang-Ho. On rit franchement, on s’attache. Mais très vite, le récit bascule : l’humour cède la place à la tension, la comédie se mue en drame, puis glisse vers le thriller. Jang Hoon construit sous nos yeux le parcours d’un homme ordinaire, hésitant à voir la réalité en face, avant de s’y confronter de plein fouet. C’est une trajectoire initiatique, ancrée dans les années 80, où l’on découvre comment une société peut sombrer dans la violence à quelques décennies à peine de notre présent.
La mise en scène ne laisse rien au hasard. Jang Hoon orchestre chaque séquence avec précision, variant les styles, soignant les détails. La violence, loin d’être gratuite, frappe par sa crudité sans jamais perdre son impact émotionnel. Les ralentis soulignent la brutalité, chaque perte humaine pèse lourd. Les courses-poursuites maintiennent le spectateur en haleine, les traits d’humour tombent toujours juste. Il en résulte un long-métrage qui vous fait passer du rire à la stupeur, du frisson à l’émotion pure, sans jamais relâcher l’étreinte.
Certains reprochent au film de ne pas afficher de message politique tranché. Mais ce n’est pas le point. L’objectif ici : rappeler un épisode tragique, longtemps ignoré en dehors de la Corée. On tient là un drame bouleversant, traversé de fulgurances comiques, qui saisit le spectateur par la force de ses émotions. Voir A Taxi Driver, c’est retrouver la magie du grand cinéma, celui qui convoque l’héritage des classiques hollywoodiens tout en restant profondément ancré dans son identité. S’il avait été tourné aux États-Unis, il aurait déjà rejoint le panthéon des œuvres majeures. Mais il est coréen. Et c’est ce qui en fait déjà une référence mondiale.
On pourrait disserter longtemps sur toutes les qualités d’A Taxi Driver. Mais l’essentiel tient en peu de mots : ce film secoue, marque, laisse KO. Il dépasse ce que l’on attend d’un grand film, pour atteindre le statut de chef-d’œuvre. À coup sûr, il comptera parmi les œuvres majeures de l’année, et bien au-delà. À voir, et à retenir.



































